On nous a fait remarquer
que les poils à nos branches
n'étaient pas de jolies feuilles
mais des mauvaises herbes à arracher
On nous a fait remarquer
que l'argenté de nos fleuves
qui poussait sur nos têtes
devait être toujours repeint ou caché
On nous a fait remarquer
que les zébrures du temps
qui dessinaient nos joies et nos peines
sur nos visages de papier glacé
devaient être refaites ou maquillées
On nous a demandé
de sourire comme des roses
de peindre en rose nos désirs
de rosir de timidité
Mais on nous a fait remarquer
que quand nous venions à rougir
sous la lueur de la lune
alors nous étions devenues souillées
Méfie-toi, jardinier
ta forêt est trop taillée
méfie-toi, jardinier
nos épines vont te couper
On nous a fait remarquer
que nous serions de jolies fleurs libérées
si nous montrions nos jambes sous des pétales courtes et colorées
mais quand les ronces sont venues nous déchirer
on nous a fait remarquer que nous l’avions bien cherché
en dévoilant nos tiges provocantes et ensorcelées
On nous a fait remarquer
que nous n’avions pas à empêcher les bourgeons d’éclore dans nos pétales
même lorsqu’ils n'étaient pas désirés
On nous a fait remarquer tant et tant de choses que nous finissons par les croire et les intégrer
Méfie-toi, jardinier
ta forêt est trop taillée
méfie-toi, jardinier
nos épines vont te couper
Méfie-toi, jardinier
ta forêt est trop taillée
méfie-toi, jardinier
nos épines vont te couper
Nous sommes des amarantes, du pissenlit, de l'euphorbe et de l’ortie,
nous ne sommes plus de jolies roses,
mais des fleurs sauvages, prêtes à piquer
Oh toi ma soeur
échappe toi du jardinier
oh toi petite fleur
celui qui veut te tailler
Méfie-toi, jardinier
ta forêt est trop taillée
méfie-toi, jardinier
nos épines vont te couper
Méfie-toi, jardinier
À force de couper